Aller au contenu principal

Les mots ont des couleurs

13/05/2025
Orlane © Pias
Orlane © Pias

Découverte dans l’émission The Voice Belgique où elle a terminé finaliste, la belge Orlane, du haut de ses 26 ans, est déjà une artiste accomplie. Auteure-compositrice, interprète et musicienne, elle mélange sa pop urbaine électronique et ses textes français tantôt sombres, tantôt doux, mais toujours vrais. Orlane a sorti son premier EP, Prisme, en 2023 et ne cesse de progresser. La jeune diplômée de faculté de médecine a pris la décision audacieuse de se consacrer totalement à la musique, ce feu qui l’anime depuis toujours. Nous la rencontrons quelques jours après sa participation à la Cérémonie des Magritte, où elle a chanté et même dansé, une autre une corde à son arc.

Alors ces « Magritte » ? « C’était trop, trop bien, hyper chouette, se réjouit Orlane. Ma prestation était une surprise pour Gilles Lellouche et il était très content, ça l’a beaucoup touché. J’ai fait une reprise de The Cure, A Forest. J’ai laissé le premier couplet en anglais, puis j’ai traduit le reste en français. J’ai refait des toplines, donc je me suis réapproprié le son ». 

2024 fut décidément une année formidable pour Orlane. Il n’y a pas trop à tortiller, le secret comme toujours, c’est le travail  : « Oui, on sème plein de petites graines tout le temps, avec le temps. Et puis, il y a un moment où... Ah, ben, ça pousse. Là cette année, il y a eu du soleil, les conditions météorologiques étaient bonnes, sourit-elle. Bien sûr, il y a tout le travail en amont. Le premier EP, les réseaux sociaux, les concerts, etc. ». 

A présent, place aux choses sérieuses, un nouveau titre, La vie sans toi, puis un premier album prévu en mai 2025, une énorme charge de travail et de réflexion. Mais le travail et la réflexion, Orlane semble s’y être abonnée. Après six années de médecine réussies avec mention et quelques jours de réflexion, Orlane décide de se lancer à 100% dans la musique. « De toute façon, j’ai mon diplôme au cas où ça ne marcherait pas, je ne prends pas trop de risque, même si je me rends compte que j’arrive un peu tard dans la profession, par rapport à d’autres artistes avec plus d’expérience, mais bon au moins je pourrai rebondir en cas d’échec ».

L’échec ne semble pas pour tout de suite, que du contraire. A 26 ans, Orlane est, quoiqu’elle en dise, assurément expérimentée. D’ailleurs elle chante depuis toujours, a commencé la guitare à l’adolescence et le piano à 8 ans. « J’étais à une petite représentation des jeunesses musicales dans mon école, se souvient-elle, ma maman y était institutrice à l’époque, nous étions toutes les deux dans la salle, j’y ai vu un garçon jouer du piano, j’ai immédiatement dit  : je veux faire ça. Elle m’a inscrite à des cours de solfège et de piano ». 

Fille unique, Orlane s’occupe seule, elle joue tous les rôles dans ses propres films, chante, danse, donne des concerts dans sa chambre puis dans le salon devant les parents, développant ainsi et peut-être plus vite qu’une autre, sa créativité. Sans pour autant décoller du sol.

« En fait, je viens de la campagne. Mes parents ne sont pas du tout dans le milieu. On n’a aucun contact, je ne connaissais personne dans la musique. Pour moi, c’était à des années-lumière de nous. J’avais la tête sur les épaules, donc je ne me suis pas dit, fini les études, je vais devenir une rockstar, non, je savais qu’il me fallait être patiente, petit à petit faire son bout de chemin. Alors j’ai décidé de faire d’abord la médecine. J’ai toujours aimé les sciences et je rêvais de soigner, d’être là pour les gens. Mes parents m’ont toujours éduquée en me disant qu’on est capable de tout. Il faut tester, il faut travailler pour avoir les choses ». 

Certains diront que c’est un beau filet, essentiel dans la conjoncture actuelle mais pour Orlane le fait d’être diplômée n’est pas un plan B, elle fait simplement comme si ça n’existait pas, donnant tout au plan A, la musique. 

« Je viens de Philippeville, ma famille parle wallon, quand j’arrive sur un tapis rouge ou bleu avec mes parents, on est tous les trois en mode... Le braquage ! Le braquage ! C’est génial. Comme on ne vient pas du tout de ce milieu-là, les soirées mondaines, les trucs chics, nous, on est complètement en dehors, c’est drôle de vivre ces contrastes. Je suis plutôt fière d’être partie de nulle part et d’avoir pu me réaliser dans ce métier, d’avoir autant d’amis artistes en Belgique, en France. Je n’ai pas de syndrome d’imposteur par rapport à ça ».

Diplôme en main, c’est l’émission The Voice qui la révèle voici 4 ans. Mais ce n’était pas sa première tentative. « J’avais 16 ans quand je me suis inscrite la première fois à The Voice mais je n’ai pas été buzzée. Je n’en parle pas beaucoup car mon signe astrologique c’est vierge, je n’aime pas l’échec (rire). Mais j’étais trop jeune, ce n’était pas mon moment ». 

Ce ne sera que quelques années plus tard, contactée par la production, l’ayant découverte sur ses réseaux sociaux à travers quelques cover d’Alicia Keys et Nekfeu, avec un simple hashtag « #belgianartist », qu’on lui propose de repasser le casting. Cette fois sera la bonne. 

« Je suis arrivée jusqu’en finale avec Loïc Nottet et c’est là que j’ai rencontré mes managers, les gens du milieu. J’ai eu quelques propositions, j’ai un peu analysé les choses, je suis allée vers les gens en mode ‘Hé, salut, on bosserait bien ensemble’, et tout a démarré ».

Orlane a du talent, du courage, de l’audace, une force de travail hors du commun et de la poésie plein la tête, on pourrait même dire, des couleurs sur ses mots. Orlane est synesthésique « graphèmes-couleurs », les lettres de l’alphabet lui sont perçues colorées. Ce qui ajoute de la beauté à sa création même si elle ne le découvrira que très tard. 

« C’est comme si toute ta vie, tu respires d’une telle manière. Et puis quelqu’un, un jour, te dit ‘Mais tu ne respires pas pareil que moi, toi ?’ Et t’es là en mode ‘Ah bon ?’. Cette révélation est venue de ma meilleure amie pendant le Covid, en refaisant le monde. ‘Mais toi aussi, quand tu penses à quelqu’un, ou à un mot, ou à quelque chose, t’as des couleurs qui te viennent en tête  ?’. Elle me dit ‘Non, personne ne fait ça’. Ce qui est amusant c’est que j’avais posé la même question à mon père des années plus tôt qui m’avait répondu ‘Bah oui, mais tout le monde a ça, c’est normal.’ Ah, bah ok ».

Rien de magique selon Orlane, n’empêche que dans la création de son EP, de son clip, de ses visuels, ce don fait partie du processus artistique. « En fonction de ça, poursuit-elle, j’emmène les gens un peu plus dans mon univers, au-delà de la chanson. Parfois des personnes viennent me voir en concert et me disent ‘C’est marrant, moi aussi, j’ai la synesthésie et je vois exactement la même couleur que toi sur cette chanson-là’ ». 

Orlane collabore déjà avec les plus grands noms parisiens : Dani Terreur, Alice&Moi, Mosimann. « Mon équipe est là-bas, chez Source, j’ai rencontré des gens qui sont un peu mes anges gardiens de la musique, c’est magique, on a écrit beaucoup de chansons de façon extrêmement spontanée, rapide et sincère, je me fais de plus en plus confiance dans mes compositions. Ça parle d’amour, ça parle de ce que je vis au quotidien, beaucoup de changements, une rupture, des retrouvailles, enfin, c’est compliqué quoi, comme la vie ».

La phase de création avec Dani Terreur, nous confie Orlane, consiste par exemple à repousser le plus loin possible les sources d’inspiration. Les influences, bien sûr, Orlane en a comme tout le monde mais pour Dani, jamais d’inspiration. La référence, c’est Orlane. « On fait du Orlane, point barre », s’évertue-t-il à lui répéter. Et puis, en français les textes, car derrière l’anglais, on se cache trop souvent, par pudeur et pour ne pas que les mots soient significatifs. Alors ce sera le français, toujours. « On m’a parfois dit qu’il y avait un peu de Mylène Farmer dans ma voix et mes chansons, ajoute-t-elle, je suis en mode ‘pas de problème, merci !’ Je veux, je veux, c’est l’artiste la plus parfaite pour moi ».

Même si Orlane travaille beaucoup en France et rêve d’une carrière internationale, c’est en Belgique qu’elle veut d’abord assoir sa réussite. « Je n’irai nulle part, rien ne se passera s’il ne se passe pas quelque chose en Belgique. C’est là d’où je viens, c’est ici que tout aura commencé, aussi bien au niveau médias, radios, que festivals ». 

Et à l’horizon se profile déjà l’Ancienne Belgique le 15 mai prochain. Ce n’est pas rien ça ! 

« C’est formidable, l’Ancienne Belgique ! Comme je le disais, je suis vierge, donc hyper organisée, très perfectionniste, minutieuse. On va commencer seulement à préparer le live, mais je serai pétrifiée tant que tout n’est pas prêt à 1.000%, on va mettre plein d’énergie là-dedans, évidemment. Donc ça va être vraiment génial ».

Cet article a été écrit par Catherine Haxhe pour la Revue W+B n°167.