Actualités

Quand la lumière nous envoie des infos

Sur la tablette à l’avant plan, on observe la signature en codes-barres colorés des deux colonnes de leds « blanches » disposées de part et d’autre de la chercheuse Véronique Georlette (UMons) © Christian Du Brulle
Sur la tablette à l’avant plan, on observe la signature en codes-barres colorés des deux colonnes de leds « blanches » disposées de part et d’autre de la chercheuse Véronique Georlette (UMons) © Christian Du Brulle

Téléphone à la main, dans une rue où les lampadaires sont allumés, un message apparaît soudain sur l’écran du portable. Un SMS? Un texto transmis par une quelconque application fonctionnant en 4G? Pas du tout!

Le message qui vient d’arriver a été transmis par la lumière, celle diffusée par l’éclairage public. Et ce n’est pas l’antenne du téléphone qui l’a capté, mais bien son appareil photo.
 
Contrairement aux apparences, ce scénario n’a rien d’une fiction. « Je viens de terminer ma thèse de doctorat sur cette thématique de transmission d’informations par la lumière », explique la Dre Véronique Georlette. Cette ingénieure de Polytech Mons (service d’Electromagnétisme et Télécommunications) est en passe de boucler ses travaux menés dans le cadre du projet Feder Wal-e-Cities (développement de villes intelligentes au sein d’un territoire wallon interconnecté), en collaboration avec le Centre de Recherche Multitel.
 

La lumière trahie par son code-barres

Son travail porte sur l’OWC (Optical Wireless Communication), la famille des techniques de communication utilisant les spectres de la lumière visible et de l’infrarouge pour transmettre des données.
 
« Quand on utilise des leds pour produire une lumière blanche, ce n’est pas exactement une lumière blanche qui est diffusée, mais une combinaison rapide et spécifique de ses trois couleurs de base : le rouge, le bleu et le vert », détaille la chercheuse.
 
« Cette répétition est tellement rapide que nos yeux ne perçoivent que le résultat: la lumière blanche. Mais si on regarde cette lumière via un capteur optique, comme ceux qui équipent nos téléphones portables, cette lumière blanche se manifeste bien comme une combinaison de raies lumineuses formées par les trois couleurs de base des leds. Chaque nuance de couleur blanche finale étant composée d’une séquence unique des trois lumières de base. Une certaine lumière signe donc en réalité une sorte de code-barres lumineux et coloré unique, auquel peut être attaché une information. »
 
Pourquoi s’embarrasser d’envoyer des infos par la lumière plutôt que par les signaux « radios » habituels? Invitée par le service Recherche et Innovation de WBI à venir présenter le fruit de ses travaux à l’Hannover Messe, la grand-messe techno-industrielle allemande, la Dre Georlette explique:  « Avec l’augmentation du nombre et de la diversité des appareils connectés, on risque de voir une partie du spectre des radiofréquences (RF) devenir saturé. Passer par des  communications via la lumière présente, dans ce contexte, une alternative intéressante. »
 

Une technologie désormais abordable

Transmettre de l’information par la lumière n’est en soi pas une nouveauté. « Mais le développement des leds et leur grande disponibilité à des coûts abordables font que cette technologie a fortement évolué ces dernières années, ce qui la rend intéressante », précise l’ingénieure polytechnicienne en électricité, avec spécialisation en télécoms et multimédia.
 
On parle de technologie Li-Fi (Light Fidelity), qui passe par la lumière, plutôt que Wi-fi, qui passe par les ondes radios. Cette technologie sans fil présente aussi un autre intérêt, celui de la vitesse de transmission de l’information. « Dans le domaine infrarouge, on peut atteindre le gigabit par seconde. En lumière blanche, on arrive à des vitesses de transmission de l’ordre de 50 à 60 mégabits par seconde. Ce qui est suffisant pour se connecter confortablement à l’Internet pourvu que nous dotions nos ordinateurs et nos smartphones de photodiodes, plus efficaces pour décoder les communications lumineuses de ce type. »
 

 

De multiples applications industrielles à explorer

Véronique Georlette identifie plusieurs marchés potentiels pour cette technologie, dont celui de l’industrie. « Dans les hangars industriels où le Wi-fi ne fonctionne pas, une antenne lumineuse s’avère intéressante pour pouvoir disposer d’un signal à haut débit, localisé et sans fil », dit-elle.
 
« Dans le cadre de ma thèse, je me suis intéressée à plusieurs cas de figure industriels, comme les véhicules automatiques utilisés dans l’industrie agro-alimentaire, ou encore les chaînes de montage mobile où on utilise toujours des communications par câbles. Passer au 'sans-fil' peut améliorer la production. »
 
« Il existe de nombreux autres exemples où ce type de communication lumineuse peut s’avérer séduisant: dans les tunnels par exemple, pour communiquer avec les véhicules, dans les mines, dans les zones industrielles sensibles aux rayonnements électromagnétiques, comme des sites à risque d’explosion, etc. »
 

Démonstrateur géant en perspective

La suite ? « On parle de l’élaboration d’un démonstrateur extérieur de grande taille, sur le site de Multitel. Il devrait permettre de mener des tests, de présenter ces technologies lumineuses au public, mais aussi d’étudier l’impact que peuvent avoir les intempéries sur leur fonctionnement. Comment va se comporter ce système de communication quand il pleut ou en cas de brouillard ? Autant de questions qui restent intéressantes à explorer, notamment dans le cadre du développement des 'smart cities' », conclut la chercheuse.
 
Cet article a été rédigé par Christian Du Brulle pour la plateforme Daily Science, avec le soutien de Wallonie-Bruxelles International.
 

 

 

Dernière mise à jour
25.04.2023 - 14:56
Retour