Actualités

Le Laboratoire des idées: Entretien avec Catherine Xhardez

Catherine Xhardez, chercheuse post-doctorante à l’Université de Concordia à Montréal
Catherine Xhardez, chercheuse post-doctorante à l’Université de Concordia à Montréal

Entretien avec le Dr. Catherine Xhardez, chercheuse post-doctorante grâce à une bourse d’excellence WBI à l’Université de Concordia à Montréal, Research Chair on the Politics of Immigration.

Le Laboratoire des idées

« Nos histoires peuvent être singulières mais notre destination est commune »
Président Barack Obama, 2008

Partant du principe qu’une crise mondiale demande une réponse réfléchie et coordonnée à l’échelle de la planète, Wallonie-Bruxelles International, grâce à son réseau d’Agents de Liaison Scientifique (ALS), a décidé de rassembler les idées et les travaux d’experts de tous les domaines scientifiques confondus.

Ces experts sont des professeurs, des doctorants, des médecins, des ingénieurs, des économistes, des architectes, des éducateurs, des juristes, des designers, des psychologues. Ils proviennent et évoluent donc dans des univers très différents mais partagent deux caractéristiques communes:

  • De par leur formation académique ou leur expérience professionnelle, ils sont liés aux institutions de recherche de la Fédération Wallonie-Bruxelles
  • Leurs idées ont un impact direct ou indirect sur la compréhension, la réponse ou la relance vis-à-vis de la crise globale causée par l’épidémie de Covid-19

 

L'entretien avec Catherine Xhardez

Pourriez-vous vous présenter et expliquer brièvement votre lien avec les institutions de la Fédération Wallonie-Bruxelles ? Afin de briser la glace, pourriez-vous citer un élément vous correspondant mais qui ne figure pas sur votre CV professionnel ?
 
Docteure en science politique, j’ai fait ma thèse en cotutelle entre l’Université Saint-Louis – Bruxelles et Sciences Po Paris. Si aujourd’hui je suis chercheuse post-doctorante à l’Université Concordia à Montréal, j’ai encore un lien fort avec la Fédération Wallonie-Bruxelles puisque WBI soutient financièrement mes recherches au Canada à travers une bourse d’excellence. Ce n’est pas sur mon CV mais, pour garder mon équilibre (même en confinement, surtout avec une petite fille de deux ans à la maison), je suis une grande adepte du yoga.
 
Parlez-nous de vos travaux et de leurs rapports, directs ou indirects, avec la crise due à l’épidémie de Covid-19.
 
Mes recherches portent sur les politiques d’immigration et d’intégration dans les Etats fédéraux, au sein desquels ces matières peuvent être gérées par plusieurs niveaux de pouvoir. Je m’intéresse surtout au niveau sous-national (régions, provinces, états, etc.) pour voir comment ces entités gèrent l’immigration et quels sont les enjeux de collaboration (ou de compétition) qui existent entre elles et l’autorité fédérale. Avec la pandémie actuelle et toutes les mesures qui ont été prises, c’est aussi très intéressant de comparer les réponses au niveau sous-national et de voir dans quelle mesure les domaines liés à l’immigration et l’intégration des immigrés sont impactés. Par exemple, pour le Canada, est-ce que les demandes d’immigration sont toujours traitées au niveau fédéral et provincial ? Ou encore, quelles ont été les décisions prises par rapport à l’accueil des demandeurs d’asile et leur statut  ?
 
La situation actuelle et votre expérience personnelle de celle-ci affectent-elles vos travaux de recherche passés ?
 
En quelques semaines, le monde est passé de l’hypermobilité à l’immobilité. Les mobilités humaines sont radicalement impactées par le contexte actuel, avec plus de 145 Etats dans le monde qui ont fermé totalement ou partiellement leurs frontières. C’est un changement de paradigme qui affecte fortement la manière dont nous envisageons les migrations, pour différents publics (demandeurs d’asile et réfugiés, travailleurs temporaires/saisonniers, étudiants internationaux, (bi-)nationaux, etc.). Moi aussi, en tant que chercheuse, mon statut d’immigrante au Canada mais surtout ma mobilité ont été largement affectés (par exemple, tous mes voyages et conférences académiques ont été annulés). 
 
Plus concrètement, pouvez-vous citer les dispositions professionnelles que vous prenez et les axes d’étude ou de spécialisation que vous pensez aborder à l’avenir ?
 
Pour poursuivre mes recherches, j’aimerais élargir les cas que j’étudie puisque jusqu’à présent je me suis surtout intéressée à la Belgique et au Canada. Je souhaiterais continuer à explorer d’autres fédérations (Allemagne, Australie, États-Unis, Suisse, etc.) pour mieux comprendre comment ces Etats gèrent l’immigration et l’intégration au niveau sous-national. Une telle recherche ouvre non seulement le dialogue entre : (1) l’étude du fédéralisme et des migrations ; (2) les cas de sociétés qui se sont traditionnellement bâties sur l’immigration et d’autres pour qui c’est un phénomène plus récent ; et (3) la littérature européenne et celle plutôt nord-américaine qui n’utilisent pas forcément les mêmes concepts.
 
Au niveau individuel et partant toujours de votre domaine d’expertise, pensez-vous dédier du temps et de l’énergie à préparer l’après-crise ?
 
La migration est un sujet brûlant, que ce soit aujourd’hui, à moyen ou long terme. Il est indubitable que les discours et ensuite les politiques publiques en lien avec l’immigration vont évoluer. C’est pourquoi j’ai déjà participé à quelques initiatives pour penser à la fois l’après COVID-19 mais aussi comment cette crise pourrait, sur certains aspects, influencer positivement nos idées sur les migrations.
 
Maintenant à l’échelle sociétale, quelles sont les réponses et changements globaux que vous estimez nécessaires vis-à-vis de la crise actuelle ?
 
Il y a aurait beaucoup de choses à dire sur la gestion des migrations et comment nos régimes d’immigration risquent d’être impactés. Pour souligner un élément en particulier, il me semble qu’avec cette crise, chacun a pu faire l’expérience de sa propre vulnérabilité. Or, le régime de protection internationale repose sur la reconnaissance de cette vulnérabilité. Quand la Convention de Genève est signée en 1951, l’Europe est en ruines et ce sont des millions de migrants qui errent dans des camps de fortune dans nos propres pays ! C’était nous qui étions à cette époque les plus vulnérables et qui avions alors pris conscience de la nécessité de protéger ces personnes par la reconnaissance d’un statut de réfugié. Si notre génération dans les pays occidentaux avait été épargnée, nous pouvons peut-être maintenant mieux comprendre ce que nous sommes prêts à sacrifier quand nos vies sont en jeu (et celles de nos enfants, familles, amis). C’est cette vulnérabilité qui peut pousser chaque jour des milliers de personnes à migrer, que ce soit pour des raisons humanitaires, environnementales, économiques, sociales, etc. L’année prochaine marquera les 70 ans de cette Convention, c’est un moment important pour penser à l’évolution de la protection internationale face à de nouveaux défis (par exemple, les migrations causées par les conséquences du changement climatique).
 
Quels conseils donneriez-vous à chacune des catégories de personnes suivantes : les étudiants, la prochaine génération de chercheurs dans votre domaine et les jeunes entrepreneurs ?
 
La passion. Je reste persuadée que pour avancer il faut aimer ce que l’on fait. Si les conditions peuvent être parfois difficiles ou précaires, ce qui nous fait alors avancer c’est cette passion. Cela vaut à n’importe quel stade : que ce soit pour choisir ce qu’on étudie, ce qu’on veut analyser ou ce qu’on veut créer. Ensuite : confiance et détermination !
 
Site web : www.catherinexhardez.com 
 

Dernière mise à jour
02.06.2020 - 13:54
Retour