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Gourmandises wallonnes: bons produits et circuits courts

Didier Smeets en atelier (c) Didier Smeets Chocolaterie
Didier Smeets en atelier (c) Didier Smeets Chocolaterie

Circuits courts et produits bio ont de plus en plus la cote en Wallonie. Les producteurs wallons sont nombreux à prendre ce chemin durable : chocolatiers, vignerons, brasseurs, distillateurs… mais aussi restaurateurs.

Bistronomie et plats du terroir ont le vent en poupe. Aux quatre coins de la Wallonie, des trésors gourmands respectueux de l’environnement sont à (re)découvrir.
 
En cette période particulière, chacun a pu prendre conscience de l’importance vitale du circuit court et des bons produits de saison. A deux pas de chez nous, artisans, producteurs, ou encore restaurateurs de Wallonie réalisent de délicieux produits, souvent bio, et toujours avec l’amour du travail bien fait.
 

Chocolats éthiques

Les chocolatiers qui se fournissent directement chez des producteurs locaux sont nombreux en Wallonie. Didier Smeets, à Dalhem, va se procurer ses fèves de cacao là où elles sont produites, la chocolaterie disposant d’une ligne Bean-to-Bar, de la fève au chocolat, ou sélectionne de petites manufactures pour la matière finie. Le jeune artisan était l’un des trois finalistes de l’émission de la RTBF "La meilleure bûche de Noël", seul chocolatier de cette compétition.
 
A Ciney, pour sa chocolaterie Sigoji, Euphrasie Mbamba s’approvisionne, elle aussi, en cacao de qualité obtenu dans des conditions équitables. Elle travaille avec des fèves d’Afrique, dont certaines de la plantation familiale au Cameroun, pour réaliser "les pralines les plus métissées qui soient", comme elle le dit joliment. Elue "meilleure artisane de la province de Namur" en 2017, "meilleure chocolaterie de Wallonie" en 2018 par Gault & Millau, la chocolatière est membre du club des Chocolatiers engagés.
 
Moins d’un an après l’ouverture de sa chocolaterie à Andenne, Ariqua Denis a, quant à lui, été élu "chocolatier 2020 de Wallonie" par Gault & Millau. Pour confectionner ses pralines, cet artisan utilise des produits nobles, noisettes du Piémont, beurre de ferme, café du Costa Rica, cacao produit de manière équitable.
 
A Ittre, Arnaud Champagne (un nom prédestiné pour travailler dans les produits de bouche !) est une nouvelle fois repris parmi les "meilleurs chocolatiers de Belgique et du Luxembourg" du Gault & Millau.
 
Thibaut Legast, à Braine-le-Comte, prépare le chocolat à partir de fèves qu’il recherche auprès de petits producteurs locaux de terroirs d’Amérique latine.
 
Bernard Schönmacker, à Barchon, travaille également des produits éthiques et durables.
 

Baies de goji bio made in Wallonia

Plus surprenant, saviez-vous que des baies de goji étaient cultivées en Wallonie ? Aux Délices d’Angélique, à Marneffe, dans une micro-ferme au cœur du parc naturel de la Burdinale, Angélique Gouppy cultive des baies de goji et des framboises de façon biologique et artisanale, qu’elle transforme en confitures, gelées, fruits secs. Ces baies servent aussi à décorer les chocolats réalisés par son mari chocolatier artisanal. Ce petit fruit rouge sans noyau, de la taille d’un raisin sec, est originaire du sud-est de la Chine où il est utilisé depuis des millénaires pour ses vertus médicinales. "Nous en mangions déjà en famille, pourquoi ne pas faire un champ bio ?", se dit-elle. Les graines germent, première récolte en 2012 et, rapidement, la plantation compte 1.000 plants auxquels s’ajoutent les framboisiers. "Mon exploitation respecte l’environnement et j’invite chacun à venir voir, les portes sont ouvertes le samedi de 14 à 18 h."
 

Toujours plus de vignobles

Les vignobles poussent quasi comme des champignons en Wallonie. Amoureux de la nature, Michel Verhaeghe de Nayer a inscrit le château de Bousval, propriété familiale rachetée en 2004, au cœur d’un vignoble. Planté en 2014 sur un peu plus de 5 hectares et composé de cépages de chardonnay, pinot noir et pinot gris, le vignoble est certifié bio depuis janvier 2021 et cultivé en biodynamie. Près des vignes, le nouveau chai de style contemporain se fond dans le paysage. Environ 10.000 bouteilles millésime 2018 sont sorties au printemps 2020 et de nouvelles plantations sont prévues.
 
Autre vignoble en Brabant wallon, le Domaine de Mellemont, 4 hectares de cépages traditionnels, à Thorembais-les-Béguines. Il a été créé en 1993 par Pierre Rion, vigneron pionnier, alors patron de la société IRIS, aujourd’hui président de l’Association des Vignerons de Wallonie.
 
Du Brabant wallon à la province de Namur, il n’y a qu’un pas, vite franchi pour se rendre chez le premier producteur de vins rouges de Belgique, le Domaine du Chenoy. Créé en 2003 à Emines - La Bruyère par Philippe Grafé, important négociant en vins à Namur pendant 40 ans, il a été repris en 2018 par les frères Pierre-Marie et Jean-Bernard Despatures, associés à Fabrice Wuyts pour développer encore le domaine de 14 hectares à la production moyenne de 55.000 bouteilles. Le premier millésime certifié bio est sorti en 2019. L’objectif est de valoriser une production originale, bio et locale avec des vins aux saveurs du terroir wallon.
 
A un jet de pierre de là, le Domaine du Ry d’Argent est un vignoble récent, créé à Bovesse par Jean-François Baele, fils d’une famille d’agriculteurs, sur un coteau exposé plein sud. Sur 7,5 hectares, s’élèvent plusieurs cépages rouges et un blanc venus d’Allemagne. Selon les années, environ 50.000 bouteilles sortent des fûts.
 
Plus au sud, sur le domaine familial du Château de Bioul, Andy et Vanessa Wyckmans-Vaxelaire ont réalisé leur rêve de devenir vignerons. Plantées en 2009, les premières vignes sont des cépages issus d’Allemagne. Aujourd’hui, 11 hectares de vignes font revivre les coteaux d’autrefois, de nouveaux cépages ont été plantés récemment pour donner des vins blancs et des crémants. Selon les années, le domaine produit de 15 à 50.000 bouteilles. En 2020, le vignoble a reçu la certification bio.
 
Tout à l’ouest, à Haulchin, près de Binche, fruit d’un négociant en vin, d’un agriculteur et d’un vigneron champenois, le Vignoble des Agaises, a vu le jour en 2002. Il compte 300.000 pieds de chardonnay, de pinot noir et de pinot meunier répartis sur 30 hectares. Plus grand producteur de vins en Belgique, le domaine sort en moyenne 100.000 bouteilles par an, des vins effervescents élaborés selon la méthode traditionnelle, sous le nom de Ruffus.
 
A l’autre bout de la Wallonie, dans les vallées du Geer et de la Meuse, 12 hectares de vignes ont été plantés, des cépages rouges et blancs. La coopérative Vin de Liège, fondée en 2010 et pilotée par Fabrice Collignon, initiateur du projet, président du conseil d’administration, Alex Bol, administrateur délégué, et Romain Bevillard, viticulteur français, a réalisé ses premières vendanges en 2014. Les 25.000 premières bouteilles, sont sorties en 2015. L’objectif à terme est de produire plus de 100.000 bouteilles par an.
 

Single malt et rhum wallons

Le whisky aussi se veut local. Dans le désir de valoriser l’orge cultivée en Hesbaye, le distillateur Etienne bouillon a créé un "Belgian Single Malt Whisky". Les premières bouteilles de ce whisky belge artisanal sortent en 2007. En 2011, ce whisky single malt aux saveurs du terroir wallon est élu "European Single cask Whisky of the Year" dans la Whisky Bible de Jim Murray. Aujourd’hui, The Owl Distillery peut fournir le marché belge et étranger.
 
A l’autre bout de la Wallonie, la Distillerie de Biercée, fondée en 1946 à Thuin, l’une des plus anciennes de Belgique encore en activité, produit eaux-de-vie et liqueurs aux ingrédients 100 % naturels, ainsi que d’autres productions comme le Gin de Binche et quelques bières, se développant sur le marché belge et à l’export.
 
Plus surprenant, c’est à Trois-Ponts, en 2015, que la première production de rhum wallon a vu le jour. Pierre-Yves Smits y a fondé Dr Clyde’Spirits, qui produit un rhum à base de mélasse bio et équitable issue d’Amérique du Sud, ainsi que du gin, de l’absinthe et un alcool à base de cassonade.
 
A Battice, un jeune couple sympathique, Léandre et Adeline Constant-Berger, a créé l’Atelier Constant-Berger pour produire des eaux-de-vie, des jus de fruits et du cidre à partir de fruits de vergers hautes tiges typiques du Pays de Herve.
 
Près d’Havelange, la Cidrerie du Condroz, coopérative à finalité sociale, produit cidres et autres apéritifs.
 

Bières éthiques et locales

Les brasseries aussi aiment le circuit court. Dans le Hainaut, la Brasserie des Légendes, dirigée par Pierre et Vinciane Delcoigne, revendique son ancrage local en mettant l’accent sur le folklore régional comme la Ducasse d’Ath et le Sabbat des sorcières d’Ellezelles. Elle pratique le circuit court avec sa propre production d’orge, récupère la chaleur, est dotée d’une station d’épuration d’eau et utilise l’énergie solaire via des panneaux photovoltaïques et thermiques.
 
A Couthuin, la Brasserie Léopold 7, fondée par Nicolas Declercq en 2013, crée de nouvelles bières artisanales dans un ancrage local, le circuit court et des valeurs durables : traitement de l’eau, orge brassicole belge, pompes solidaires, panneaux solaires, mais aussi fabrication de canettes en aluminium 100 % recyclable et de bouteilles en silice peu énergivores, en collaboration avec des entreprises de travail adapté.
 
Sur le site de la Ferme à l’Arbre à Lantin, la Brasserie coopérative liégeoise, qui a créé la première bière bio de la région, privilégie les circuits courts, des matières premières biologiques et locales, l’économie sociale et solidaire.
 

Etoiles Vertes et délices durables

L’Etoile Verte Michelin récompense les chefs ambitieux qui s’engagent dans une gastronomie durable. C’est le cas de Sang-Hoon Degeimbre, chef de L’Air du Temps, à Liernu, dont le potager fournit 95 % des légumes. "Nous travaillons beaucoup avec la lacto-fermentation, l’emblème des préoccupations d’aujourd’hui, tant au niveau du goût que de la diminution du gaspillage alimentaire et de la nourriture saine."
 
Aux portes de Namur, à l’Atelier de Bossimé, on part à la découverte du terroir avec une cuisine gastronomique et bistronomique issue du circuit court. Un concept créatif inspiré par la saison. "Tout ce qu’il y a dans l’assiette vient des producteurs locaux que nous connaissons, souligne le chef Ludovic Vanackere. Avec notre coworking, nous rendons l’alimentation durable accessible à tous. Notre objectif est d’utiliser nos 100 hectares de champs pour l’alimentation. La durabilité est une question de bon sens."
 
A Gembloux, Stefan Jacobs, au Hors-Champs, estime qu’il travaille dans le sens inverse du passé. "Nous regardons ce que notre potager et nos fournisseurs régionaux ont à offrir et composons notre carte là-dessus. On retrouve également cette vision durable dans nos opérations, comme le remplacement de nos films plastiques par une alternative écologique."
 
La cheffe Arabelle Meirlaen, à Marchin, attache une grande importance à une alimentation saine. "Le jardin est ma source d’inspiration. Mon mari et moi sommes enfants d’agriculteurs, la durabilité est une évidence pour nous. C’est pourquoi nous essayons d’être le plus autonomes possible, 75 % de nos fruits et légumes proviennent de notre jardin, par exemple."
 
Génération W est inspirée par le même esprit. Cette association réunit des chefs qui mettent en avant des produits issus de circuits courts et le patrimoine culinaire wallon dans le respect des saisons et des techniques authentiques ou modernes. C’est le cas, notamment, de Christophe Pauly, à Tinlot, "chef de l’année 2021" pour le Gault & Millau. "Ce titre nous conforte dans l’idée de la cuisine et du restaurant que nous voulons pour Le Coq aux champs, simplicité, convivialité, partage, empathie, travail bien fait et bons produits."
 
Connaissez-vous les Bistrots de terroir ? Pour pouvoir porter ce label, un établissement doit proposer au moins trois produits locaux et, en restauration, en plus, un plat de terroir local. On y trouve aussi des infos touristiques pour découvrir les richesses de la région. En Wallonie, de nombreux établissements affichent ce label sur leur façade. Par exemple, celui d’Olivier Noël, chef du Moulin Cambier, à Chiny, en province de Luxembourg, une région qui compte plusieurs produits typiques comme la bière de l’abbaye l’Orval, son fromage, le maitrank, notamment. Convivialité, nature et bons produits sont les maîtres-mots de ces bistrots.
 
Ces multiples gourmandises wallonnes ont pour point commun d’avoir opté pour une consommation et une production responsables, l’objectif 12 parmi les 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) du programme 2030 de l’ONU. La Wallonie s’est engagée à atteindre ces objectifs à l’horizon 2030. Avec ces producteurs, elle est bien partie pour y arriver.
 
Deux nouvelles cartes "89 brasseries à visiter en Wallonie" et "46 vignobles et distilleries à visiter en Wallonie", déjà disponibles au téléchargement en ligne sur le site Visitwallonia.be/gourmandise, sont éditées en version papier pour ce printemps.
 
Un autre site, je cuisinelocal.be, de l’Apaq-W, reprend de nombreux producteurs et artisans wallons.
 
Par Jacqueline Remits
 
Cet article est issu de la Revue W+B n°151.
 

Dernière mise à jour
25.05.2021 - 07:12
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