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La Présidence belge du Conseil de l'UE : "La Belgique et ses entités fédérées au centre du jeu"

Réunion du groupe de suivi du Processus de Bologne, sur l’Espace européen de l’enseignement supérieur (EEES) © Michael Chia
Réunion du groupe de suivi du Processus de Bologne, sur l’Espace européen de l’enseignement supérieur (EEES) © Michael Chia

Jusqu’au 30 juin prochain, notre pays assure la Présidence du Conseil de l’UE. Chaque entité fédérée a un rôle important à jouer au cours de ces six mois de Présidence. L’occasion de se pencher sur le rôle de la Wallonie et la FWB dans ce contexte.

C’est un événement qui arrive dans chaque pays de l’Union européenne tous les… treize ans et demi. Cet événement, c’est la Présidence du Conseil de l’Union européenne qui est, depuis début janvier et jusqu’au 30 juin, dévolue à la Belgique. Etant donné la structure fédérale de notre pays, chaque entité fédérée a un rôle important à jouer au cours de ces six mois de Présidence, notamment en assurant la conduite de l’agenda européen et la promotion de la collaboration entre  les États membres.
 
Concrètement, le Conseil de l’Union européenne (ou Conseil des Ministres) est l’instance où se réunissent les Ministres des Gouvernements de chaque pays membre de l’Union européenne (UE) pour adopter des actes législatifs et coordonner les  politiques. Il ne doit pas être confondu avec le Conseil européen qui rassemble les 27 chefs d’États et de Gouvernements. Le Conseil de l’UE compte dix formations, au sein desquelles les Ministres des Gouvernements nationaux sont regroupés par domaine d’action.
 
Tous les 6 mois, selon un ordre de rotation préétabli, chaque pays de l’Union européenne préside le Conseil. En ce moment, c’est donc la Belgique, en trio avec l’Espagne qui l’a précédée et la Hongrie après elle.

Donner une impulsion

Qu’est-ce que ça implique? La Présidence du Conseil est chargée d’organiser et de présider les réunions, élaborer des compromis, rendre des conclusions et veiller à la cohérence du processus de décision. 
 
Ce rôle implique de donner une impulsion aux travaux législatifs du Conseil tout en veillant à une bonne coopération entre les États membres. Pour ce faire, la Présidence se doit d’être un intermédiaire intègre et neutre. 
 
Marie-Marie Jacob est attachée au Département Union européenne de Wallonie-Bruxelles International, dans le cadre de la Présidence belge du Conseil de l’Union européenne. « Nous sommes 9 nouveaux attachés au sein du département Union  européenne », explique-t-elle. « Sept dans la représentation permanente, qui sont dans la rédaction de textes et de contenus, et deux (dont je fais partie) dans la logistique, c’est-à-dire dans l’organisation des conseils informels, des conférences  des ministres ou encore les séjours des attachés du Conseil », ajoute-t-elle. 
 
Pour rappel, le Conseil est formé de différentes « couches ». Il y a les Ministres mais aussi, au niveau juste en-dessous, un comité des représentants permanents (COREPER) puis quelque 150 groupes de travail, avec des attachés des Etats Membres. Ce sont notamment ces groupes de travail qui sont dévolus aux entités fédérées puisque la répartition des compétences (tourisme, éducation, sports, emploi ou encore affaires sociales), en Belgique, s’applique également au niveau européen. 

Un travail de relais

Dans le périmètre de ses compétences, la Wallonie occupe le siège de la Présidence en Recherche, Tourisme, Politique de cohésion, Aménagement du territoire et Logement. En plus de cela, elle occupe le siège de la Belgique en Emploi et Affaires sociales et en Énergie.
 
Quant à la Fédération Wallonie-Bruxelles, elle préside les formations Éducation et Sport. Elle représente la Belgique lors des Conseils Culture, en coordination avec la Flandre qui préside cette formation. Rappelons que cette Présidence constitue une excellente occasion de valoriser le rôle que chaque entité fédérée remplit au niveau européen dans le cadre de ses propres compétences. De plus, au cours de ces six mois, les ministres belges représentent le Conseil dans ses relations avec les autres institutions de l’UE et dans des contextes multilatéraux.
 
« Sur le terrain, nous sommes chargés d’organiser quatre conseils informels et deux conférences ministérielles (économie sociale et logement) », poursuit Marie-Marie Jacob. « Ils ont eu lieu en février : à Mons, sur le thème de la politique de cohésion, un autre sur le tourisme à La Hulpe et Louvain-la-Neuve, un consacré à la recherche également à La Hulpe, ainsi qu’un dédié à l’éducation, à Bruxelles ». Pour comprendre l’organisation de tels événements, il faut savoir qu’ils rassemblent, à chaque fois, quelque 120 à 150 personnes. « Il y a les 27 ministres européens ainsi que deux collaborateurs qui les accompagnent ou qui vont en salle d’écoute. Chacun a également un agent de liaison qui, comme son nom l’indique, fait le lien, donne des informations pratiques, les guide d’un endroit à l’autre… Notre travail est de faire également le relais entre les cabinets, notre administration, la taskforce du Fédéral ainsi que les agences événementielles qui nous aident dans ces grosses organisations », ajoute Marie-Marie Jacob qui, du haut de ses 25  ans, vit à coup sûr une expérience professionnelle hors du commun, pleine de challenges et d’opportunités qui ne risquent pas de se représenter de sitôt…

2024, un calendrier "spécial"

La Présidence belge sera marquée par les élections européennes qui se tiendront le même jour que nos élections régionales et fédérales : le 9 juin 2024. La Présidence belge a donc à cœur de finaliser le plus grand nombre de dossiers en cours et de préparer l’avenir de l’Union européenne. « La Présidence belge est effectivement à cheval sur deux législatures », relève Jérôme Noël. « Les quelques premières semaines de la Présidence servent à clôturer les dossiers (qui sont entre 100 et 120), en accord avec le Parlement. C’est une période intense mais courte. La dernière session plénière du Parlement européen aura lieu en avril. Ce qui signifie que, pour être certain que les textes soient votés au Parlement en avril, il a fallu être prêt pour… le 9 février. Les Roumains ont vécu la même situation en 2019. Ce qui signifie 5 à 6 semaines pour faire nos preuves sur le plan législatif. On met donc toute notre énergie là-dedans ».
 
Six mois étant un délai très court pour faire avancer des priorités, chaque pays collabore avec deux autres, qui le précèdent ou le suivent dans cet exercice. Les trois États fixent ainsi des objectifs à plus long terme, à savoir 18 mois, dans un système dit de « trio ».

L'adhésion de l'Ukraine

La première partie de cette période de 6 mois a donc permis de clôturer le travail législatif entrepris sous cette législature, quand la seconde partie permettra de davantage se pencher sur les questions d’avenir. « En février, il y a eu une série de réunions informelles, au cours desquelles des décisions ne sont pas prises, mais qui sont quand même des moments importants pour donner certaines impulsions. Dans la seconde partie de la Présidence, sur la table, il y aura notamment les négociations d’adhésion de l’Ukraine (la décision a été prise en décembre), de la Moldavie et des pays des Balkans occidentaux. Il y aura une conférence inter-gouvernementale très attendue. La question de l’élargissement est une question géopolitique qui soulève des enjeux quant au fonctionnement de l’Union européenne. Comment pourra-t-on encore décider à plus de 30 Etats membres ? Comment garantir des institutions qui fonctionnent ? Notre pays l’a dit : on ne peut pas élargir sans des réformes du processus décisionnel et des institutions. Il y a donc un travail à faire là-dessus », ajoute le Délégué général.
 
« Classiquement, en fin de législature, c’est le moment où on établit l’agenda stratégique, la feuille de route pour la prochaine Commission. C’est un document extrêmement important qui va donner un cadre pour la législature suivante. La période législative est courte et est suivie d’une réflexion sur les enjeux de l’avenir de l’Union. Cela s’annonce passionnant », précise-t-il encore. 

"C'est l'aboutissement d'un énorme travail"

Pour David Royaux, coordinateur de la Présidence belge à WBI, la Présidence belge du Conseil de l’UE est une période intense mais riche…
 
« J’ai travaillé plus de 15 ans à la Délégation générale Wallonie-Bruxelles auprès de l’Union européenne », explique-t-il. « Ensuite, j’ai passé le concours pour rejoindre le réseau extérieur (Délégations générales) de Wallonie-Bruxelles. J’ai ainsi travaillé pendant un an à la Délégation générale à Genève et passé ensuite trois années à Bucarest. Il y a un an et demi, quand les travaux de préparation de la Présidence ont commencé à s’intensifier, j’étais disponible et avec une certaine expérience des questions européennes. Voilà ce qui m’a amené à ce poste de coordination », ajoute-t-il.
 
Son travail actuel le met en relation avec différents partenaires. « La coordination inclut des aspects davantage logistiques et organisationnels et des interactions avec de multiples intervenants à différents niveaux de pouvoir et responsabilité. Est-ce stressant ? Oui, car cette Présidence de fin de législature européenne est très courte et particulièrement intense. Les élections européennes ont lieu en juin et les événements ont été concentrés principalement en février. Mais ce qui est vraiment très valorisant, c’est que c’est l’aboutissement d’un énorme travail collectif ». 

La Présidence : un moment unique préparé pendant 2 ans

« C’est clair que ce sont de gros événements mais c’est aussi vraiment passionnant, même si les nuits sont courtes. Nous avons également des réunions hebdomadaires avec les équipes pour nous coordonner », précise Marie-Marie Jacob. « J’ai été engagée après mon bachelier en études européennes et mon master en communication. Dans le cadre de ce travail, je fais de la gestion événementielle de grande envergure. C’est évidemment passionnant et si on se dit que la plupart des gens qui ont été engagés comme moi sont au début de leur carrière professionnelle, on se rend compte que c’est vraiment une solide expérience que nous sommes en train de construire sur ce projet européen », explique-t-elle.
 
Un avis que partage Jérôme Noël, Délégué général à la Délégation générale Wallonie-Bruxelles auprès de la Représentation permanente de la Belgique auprès de l’Union européenne, qui compte également des « juniors » dans son équipe. « La Délégation compte aujourd’hui 21 personnes. L’équipe a été renforcée avec 8-9 nouveaux venus, recrutés pour la Présidence et essentiellement dans des profils Junior », ajoute-t-il, précisant qu’au numéro 65 de la rue Belliard, ils sont désormais 270 au lieu des 150 à 160 personnes habituellement. 

Une ampleur particulière

« On sent l’effervescence depuis l’année dernière. On prépare cette présidence depuis la fin 2021. Il y a eu deux années de préparation et de nombreuses réunions. Tout le monde était donc impatient que ça commence enfin. C’est clairement un moment unique qui ne se produit que tous les treize ans et demi. Avant cela, on est une délégation parmi 26 autres pays. Aujourd’hui, on est au centre du jeu, on oriente les questions et les débats, on fait le calendrier, on priorise certaines choses et tout ce qu’on fait prend une ampleur particulière. Les événements qui sont organisés sont autant d’occasions dont on doit profiter pour établir des contacts et se créer un bon réseau. C’est un moment où on a un accès privilégié aux institutions même si, on l’a dit, cela représente énormément de travail. Il y a évidemment un niveau d’activité élevé à souligner. On avait, par exemple, organisé, en septembre dernier, une réception diplomatique pour nos contacts européens et les administrations. Vu la Présidence qui approchait, on a reçu 320 personnes au lieu de 160 habituellement. Ce sont des occasions dont on doit profiter. Pour cette Présidence du Conseil, on était, en tout cas, bien préparés. Sans compter que, du côté de la Délégation permanente, nous avons intégré nos agents dans les secteurs, par domaine politique, avec les autres entités fédérées. Pour ça aussi, c’est un moment particulier puisqu’on travaille différemment, en équipe et par domaine politique. C’est un peu une Belgique en miniature que nous reproduisons ici », conclut Jérôme Noël.

Un impact concret dans nos villes et régions

La fin de la législature et la nécessité de faire progresser les travaux du Conseil ont imposé un rythme soutenu durant les trois premiers mois de la Présidence belge, qui furent chargés en événements. 
 
Une grande partie de ces événements se sont déroulés à Bruxelles, dans le bâtiment du Conseil de l’UE et au plus proche des institutions européennes. Fréquemment aussi dans l’historique Palais d’Egmont, à proximité du Ministère des Affaires étrangères, où s’est tenu le Conseil informel des Ministres en charge de l’Éducation (29 février-1er mars), ou encore la réunion du Groupe de Haut Niveau « Éducation et formation » (9-10 janvier). À côté de ces réunions ministérielles, de nombreux événements culturels et participatifs sont organisés dans le cadre de la Présidence. Le festival « Agora Jeunes Citoyen.ne.s », par exemple, organisé par le Forum des Jeunes, le Bureau International Jeunesse (BIJ) et le Service de la Jeunesse FWB, qui a proposé plus de 80 activités dédiées aux jeunes durant trois semaines à la gare du nord de Bruxelles. 
 
Parallèlement, plusieurs villes wallonnes ont elles aussi accueilli des événements majeurs de la Présidence :
 
Liège, dont le Palais des Congrès a vu passer de nombreuses délégations européennes et des centaines de congressistes lors du Sommet sur l’adaptation climatique « Climate Chance » (8-9 février), de la Conférence ministérielle et d’experts sur l’Économie sociale (12-13 février), et de la Conférence ministérielle sur le Logement (4-5 mars). 
 
L’impact de l’Union européenne dans la cité ardente ne se limite néanmoins pas à ces événements. Les liégeois qui assistent à des concerts au B3 ou flânent sur la Place des Arts ne le savent peut-être pas, mais ces lieux ont pu voir le jour grâce à l’Union. Anciennement abandonné, le site de Bavière a été revitalisé en partie via des fonds FEDER (Fonds Européen de Développement Régional) et il accueille depuis 2020 un pôle dynamique et culturel qui rassemble citoyens, entreprises et services.
 
Les provinces du Brabant wallon et du Hainaut ont également accueilli les Ministres européens et leurs délégations lors de diverses réunions informelles. Ils se sont, entre autres, réunis à la Hulpe pour aborder la Recherche & l’Innovation (14-15 février), et à Louvain-la-Neuve pour discuter des politiques du Tourisme (19-20 février). Dans la ville estudiantine, les fonds européens ont notamment permis l’aménagement de l’OPENHUB, un hub d’innovation qui aide les porteurs de projet et les entreprises à tester leurs idées afin d’en capturer tout le potentiel. 
 
De nombreux représentants européens se sont aussi réunis à Mons, lors de la réunion des Ministres en charge la politique de Cohésion (5-6 février), et lors du Sommet européen des régions et des villes (18-19 mars), organisé avec le Comité européen des régions (CdR), afin de discuter des politiques régionales, des défis globaux et de l’avenir de l’Europe. Mons, où des fonds européens de Cohésion ont justement permis à la ville de rénover son mythique Beffroi, son Hôtel de ville, et d’autres joyaux de l’architecture locale. 
 
Ce n’est donc pas uniquement durant ces six mois de Présidence que l’Union européenne est présente dans nos villes et régions. Elle est partout autour de nous, dans les rues que nous foulons chaque jour, les bâtiments que nous visitons, à la fois porteuse de projets et source de moyens pour améliorer notre quotidien… 
 
Dossier réalisé par Laurence Briquet dans le cadre de la Revue W+B n°163.

Dernière mise à jour
09.04.2024 - 15:26
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