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Le nomadisme moderne selon AKaso

Philippe Vertriest
Philippe Vertriest

Papa de deux filles nées en Éthiopie et passionné d'art, le Belge Philippe Vertriest a lancé AKaso, une marque de prêt-à-porter éthique inspirée de l'Afrique. Rencontre !

TLmag: AKaso est née de votre rencontre avec un livre. Racontez-nous...
Philippe Vertriest: C'était un livre sur le body painting réalisé par deux photographes qui ont longtemps parcouru le continent africain. Ces corps transformés en canevas m'ont complètement fasciné. Les dessins que je découvrais sur ces images me faisaient penser aux motifs d'autres cultures: rayures, pois, cercles... Très vite, j'ai contacté les membres de la tribu des Kara – dont les dessins m'intéressaient tout particulièrement – pour leur proposer un projet un peu fou: collaborer sur une collection mêlant leur art et des pièces en maille, en coton et en soie.
 
TLmag: En quoi ce projet est-il différent des autres ?
P.V.: Notre équipe est allée sur place pour travailler avec six artistes africains à qui nous avons véritablement donné carte blanche. Dans un premier temps, nous les avons lancés sur plusieurs thèmes: les animaux, mais aussi des sujets plus symboliques comme l'amour et l'amitié. Au fur et à mesure des sessions de travail, leurs traits ont gagné en intensité et en abstraction.
 
TLmag: Dans ce type de démarche, l'éthique est primordiale. Parlez-nous de votre mode de production ?
P.V. : Notre volonté était de créer un mariage parfait entre l'Afrique et l'Europe. Pour nous, il était donc logique de nous associer, d'emblée, avec des fournisseurs européens dont nous cautionnons l'approche. Les matières que nous utilisons et la production de nos vêtements se devaient de cadrer avec les mêmes valeurs humaines et éthiques que le reste de notre démarche. Pour la viscose, l'une des matières les plus polluantes du secteur textile, nous travaillons avec une société qui se fournit exclusivement dans des forêts européennes. Le respect de l'environnement et des travailleurs figurent parmi nos priorités, mais si les clients qui découvrent nos produits pour la première fois reviennent vers nous, c'est évidemment parce qu'ils sont séduits par la qualité que nous leur proposons.
 
TLmag: En novembre 2017, deux ans après le lancement de la marque, vous avez ouvert une boutique au cœur de Bruxelles, à l'entrée de la galerie du Roi. Quel regard le public porte- t-il sur cette vitrine ?
P.V.: Lorsque les gens entrent dans notre magasin, ils ne connaissent parfois ni la marque, ni son histoire. Je ne leur explique pas forcément chaque dessin. Je préfère leur laisser les interpréter en fonction de leur propre sensibilité. Pour ceux qui veulent en savoir plus sur notre démarche, nous avons réalisé des films qui évoquent l'ADN d'AKaso. Ce contact direct avec les gens, c'est l'atout principal de cette boutique.
 
TLmag: Vous êtes d'ailleurs sur le point d'en ouvrir une seconde. Pourquoi ?
P.V.: Deux mois après l'inauguration de notre boutique de Bruxelles, j'ai su que je souhaitais en ouvrir une autre. Nous avons trouvé le lieu parfait à Anvers, juste en face du MoMU, le musée de la Mode. Créer des boutiques de ce type représente un investissement énorme, mais qui, dans notre cas, se justifie totalement. Les détaillants multimarques ne prennent pas le temps de raconter l'histoire d'AKaso. Le processus de fidélisation est également beaucoup plus long. J'en avais assez d'attendre que les acheteurs se décident à me faire confiance. Créer des boutiques me permet d'entrer directement en contact avec les clients. Notre marque touche un public cosmopolite issu d'environ 50 nationalités différentes pour lequel il est essentiel d'offrir une histoire qui joue, comme je l'ai dit, un grand rôle dans le processus d'achat.
 
TLmag: AKaso repose sur une belle histoire, mais ce projet doit néanmoins se révéler rentable. Est-ce la raison qui vous a poussé à lancer une ligne de sacs ?
P.V.: J'ai longtemps travaillé pour Kipling. Quant à mon épouse qui est Italienne, sa famille  possède des ateliers de maroquinerie qui travaillent avec les plus grandes marques. Cet univers, je le connais. Je sais qu'il est rentable et incontournable. À condition d'en connaître les codes. Chaque prototype coûte extrêmement cher. Lorsqu'on crée des sacs, on peut se tromper, bien entendu, mais pas trop souvent...
 
TLmag: D'autant qu'en termes de qualité et de fonctionnalité, vous avez voulu le meilleur.
P.V.: Notre ligne de sacs est inspirée des rites de scarification des tribus d'Afrique. Nous avons confié aux Kara le soin de créer des motifs sur ce thème que j'ai ensuite reproduits sous forme de dessins graphiques. Tant les dessins que la technique pour les imprimer en relief sur le cuir sont brevetés. J'ai aussi voulu que nos sacs soient biens finis (certains sont doublés de velours de chèvre) et très légers. Ils s'adressent aux nomades modernes, ces femmes qui bougent en permanence.
 
TLmag: En marge de votre flagship bruxellois, vous vendez en ligne. Quelle place joue le marché à l’international dans votre démarche ?
P.V. : Compte tenu de la nature du produit que nous proposons, la vente en ligne n'est pas notre priorité. C'est une vitrine, un moyen d'assoir notre notoriété, mais pas de trouver de nouveaux clients. Quant à l'export, nous venons d'engager un directeur des ventes pour booster ce volet commercial. Nous y travaillons déjà depuis deux ans au travers d'un plan de marketing online à vocation B2B. En septembre, nous organisons, pendant la Fashion Week de Paris, un pop up store ouvert au public (rue des Rosiers dans le Marais) qui sera aussi un showroom pour les acheteurs internationaux.
 
TLmag: Depuis 2016, la marque évolue sans arrêt. Quels sont vos futurs défis ?
P.V.: Cet été, notre vestiaire féminin s'est enrichi de nouveaux modèles. Pour l'hiver, il sera encore plus complet. Avant même son lancement en boutiques, notre nouvelle ligne hommes a déjà séduit certains de nos clients qui ont réservé des pièces. Si, comme je le disais, la maroquinerie est un bon moyen de générer des marges plus élevées, j'ai la chance que mes collections de prêt-à-porter se vendent bien. Je compte donc capitaliser sur ce volet également.
 
Interview de Marie Honnay
 
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Dernière mise à jour
05.09.2018 - 10:28
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